Le crépuscule ploie
Sous les feux du ciel
Estampe et voix
De la terre en sommeil.
Le crépuscule ploie
Sous les feux du ciel
Estampe et voix
De la terre en sommeil.
J'étais en train de réfléchir à la nécessité d'entretenir un blog quotidiennement, suite à un récent échange, quand j'ai appris la mort du fils d'une amie. Et je me dis combien tout ceci parait dérisoire face à l'absurde qui peut frapper à tout moment. Bien sûr la vie continue dit-on, mais il faut bien avouer que face à l'universalité des sujets du monde, la personnalité est bien au centre de toutes les informations, elle et ses transformations. Comme l'arbre qui reçoit les intempéries, même s'il continue de pousser, elle en gardera les marques, indélébiles, l'écorce se modèlera, elle sera peut-être plus pâle, plus foncée, ou plus épaisse, à cet endroit précis.
A part
les grillons dans le métro
Il y a
des cadors, des caïds
uniformes repassés
le crayon comme une arme
ou tout autre machine
le verbe bien affûté
la voix de la poitrine
il faut intimider.
Habillés tout de vert
ne vous y trompez pas
Ce n’est pas de nature
dont il s’agit, non, pas !
Point d’herbe ni de fleur,
ou autre champ que de
bataille
guerre contre les parias
infortunés sans fortune
qui ne peuvent pas acheter
un seul petit billet
dont le montant est plus
qu’une baguette de pain.
Ne vous y trompez pas
le rêve n’y est pas
mais la fatalité
de la réalité
où le sourire se chasse
comme un mauvais présage
à croire que tout est beau
ici bas
et enfin vous rappeler
que l’état c’est pas vous
et surtout quelque fois
Que vous alliez,, béats
vers une joie de vivre
où la peur n’y est pas
Surtout ne jamais croire
à une autre justice
lorsque le sans papier
en a laissé juste un
cinquante euros sans signe
ni signer là, en bas
car lui ne le peut pas.
Et c’est ici, aubaine
pour une fois on le croit
et on le bénira,
on le laissera filer,
Au fond, ça arrangera
pour une fois, le système....
Finies les veillées entre les générations. Nos vieux, retraites bloquées font parfois les poubelles, comptent leurs sous à la caisse des supermarchés, angoissés, au centime près pour des prix débridés. Retraités isolés ou encore regroupés souvent sans leur volonté dans des maisons que l'on appelle "mouroirs" à l’abri des regards, ils dérangent, à présent, on dirait. On ne supporte pas leur image délabrée, leurs rides accentuées, signes de leur vie passée qu'eux ont déjà donné à s’occuper du monde quand ils y avaient leur place. Un monde soucieux de son image, et pas le temps de traîner. Juste un peu parfois leur en accorde-t-on pour leur rendre visite, histoire en somme qu’ils veuillent bien encore pardonner, quand leur temps, eux, le passent, patients et sans révolte -ils n’en ont plus la force- à attendre, résignés, l’heure de la fin de cette vie dans ces derniers instants, bafouée.
On entre comme par une fenêtre ouverte dans la maison de ces deux femmes, la petite fille et sa grand-mère, unies par un lien qui va bien au delà de celui du sang. La fenêtre s’ouvre et leur univers nous est livré tout simplement, nous sommes au cœur de leurs pensées, avec leur langage, les mots sans fard, simples et au cœur de leur cœur. L’essentiel est dit, les interrogations, la beauté de la vie, mais aussi les souffrances, les doutes, l’âme humaine se dévoile sans autre apparat. La parole est brute et livrée dans sa vérité. Deux voix parallèles, des voix qui s’animent, s’aiment et se complètent avec poésie, sensibilité, amour et même humour, comme un dernier sourire devant l’irrémédiable.
Est-ce ainsi que parlerait une âme ? Sa mise à nu nous fait complice du passé de cette famille de femmes, aux cœurs troublées par l’approche de la mort. Des souvenirs affluent eux-aussi dans un élan de sincérité, qui, en même temps, que les émotions, nous troublent profondément. Les sensations se révèlent et se réveillent, les mots se font transparents pour entrer, eux aussi par notre fenêtre ouverte.
Et on la referme un peu comme on est venu, à pas feutrés, et sans bruit pour ne pas troubler cet univers singulier. L’émotion nous suit tranquillement, pour se loger au fond de notre cœur, et ne plus en sortir.
C’est sur, on y reviendra….
Paru aux éditions Flammarion
Un livre, c'est un peu comme une maison, ou l'on s'y sent bien tout de suite, ou bien ce sera jamais.